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16 décembre 2008

Sang royal

Sang Royal

sang_royalRésumé : Dans la magnificence sulfureuse de l'Angleterre des Tudor, une enquête périlleuse pour l'attachant et talentueux avocat bossu Matthew Shardlake, égaré dans le dédale des complots de la cour du sanguinaire Henry VIII. Automne 1541. Une spectaculaire caravane se déploie sur une route du Yorkshire. Henry VIII et sa cour se rendent à York, afin d'assister à la reddition de la ville, siège d'une rébellion papiste. Matthew Shardlake se trouve déjà sur place. Chargé de rédiger les pièces juridiques adressées au roi, il accepte avec réticence une mission très spéciale de l'archevêque Cranmer : veiller sur la sécurité d'un dangereux prisonnier, Broderick, l'un des chefs de la conspiration, qui est transféré à Londres pour y être interrogé. Mais les événements vont prendre une tournure inquiétante. Un artisan est assassiné, de mystérieux papiers sont subtilisés... La découverte d'un secret terrifiant, impliquant le roi lui-même, va entraîner Matthew dans une enquête des plus téméraires et lui faire connaître le pire des sorts pour un sujet de Henry VIII : la prison de la Tour de Londres...

Extrait : "IL FAISAIT SOMBRE SOUS LES ARBRES, seul un maigre clair de lune traversait les branches à demi nues, et il était difficile de dire si nous chevauchions toujours sur la route, l'épais tapis de feuilles mortes assourdissant le bruit des sabots. « Quelle piste abominable ! » s'était exclamé Barak un peu plus tôt, vitupérant à nouveau cette terre barbare et sauvage où je l'avais entraîné. J'étais trop fatigué pour répliquer. Mon pauvre dos me faisait mal et mes jambes, enserrées dans de lourdes bottes de cavalier, étaient ankylosées et dures comme du bois. De surcroît, l'étrange mission que j'étais sur le point d'entreprendre m'angoissait et pesait sur mon esprit. Les rênes dans une main, je plongeai l'autre dans ma poche, afin de palper comme un talisman le sceau de l'archevêque Cranmer. Je me rappelais sa promesse : « Ce sera une opération assez aisée, exempte de péril. »
J'avais en outre laissé de graves soucis derrière moi, ayant six jours plus tôt enterré mon père à Lichfield. Depuis cinq jours, Barak et moi avancions péniblement en direction du nord sur des routes dans un état déplorable après l'été pluvieux de 1541. Nous avions atteint des régions isolées où de nombreux villages se composaient encore de vieilles habitations d'une seule pièce, des cahutes de torchis au toit de chaume dans lesquelles s'entassaient les hommes et le bétail. Cet après-midi-là nous quittâmes la grand-route du nord à Flaxby. Barak voulait qu'on s'arrête dans une auberge pour prendre un peu de repos mais j'avais insisté pour qu'on poursuive notre chemin, dussions-nous chevaucher toute la nuit. Je lui rappelai que nous étions en retard, que le lendemain nous serions le 12 septembre et qu'il nous fallait parvenir à destination bien avant l'arrivée du roi.
Nous avions quitté le bourbier qui nous servait de route à la tombée de la nuit pour un chemin plus sec qui se dirigeait vers le nord-est, au travers des bosquets denses et des prés ras où des porcs fouillaient du groin les chaumes jaunis.
Les bois étaient devenus des forêts et depuis des heures nous avancions avec moult précautions. Lorsque nous avions perdu la piste principale nous avions eu un mal fou à la retrouves dans le noir. Le profond silence n'était brisé que par le bruissement des feuilles sur le sol et le craquement des broussailles au moment où un sanglier ou un chat sauvage détalaient à notre approche. Les chevaux, chargés des sacoches qui contenaient nos vêtements et autres effets, étaient aussi fourbus que Barak et moi. Je sentais la fatigue de Genesis, ma monture, et Sukey, la fougueuse jument de Barak, se contentait de suivre l'allure lente de mon cheval.
« On est perdus, bougonna-t-il.
– À l'auberge, on nous a dit de longer le chemin principal à travers la forêt en direction du sud. De toute façon, l'aurore va sans doute bientôt se lever. Et alors on verra bien où l'on se trouve.
– J'ai l'impression d'avoir chevauché jusqu'en Écosse, grommela Barak d'un ton las. Je ne serais pas surpris qu'on nous prenne en otages pour réclamer une rançon. » Fatigué de ses récriminations, je demeurai bouche bée et nous continuâmes en silence notre pénible route.
Je me remémorai l'enterrement de mon père la semaine précédente... Le petit groupe autour de la tombe, le cercueil au fond de la fosse, ma cousine Bess, qui l'avait trouvé mort dans son lit quand elle lui avait apporté à manger.
« Je regrette de ne pas avoir su à quel point il était malade, lui avais-je dit sur le chemin du retour à la ferme, après la cérémonie. C'est moi qui aurais dû m'occuper de lui.
– Tu habitais loin, à Londres, et ça faisait plus d'une année qu'on ne t'avait pas vu, avait-elle répondu en secouant la tête, le regard accusateur.
– J'ai, moi aussi, traversé une période difficile, Bess. Mais je serais venu.
– C'est la mort du vieux William Poer, à l'automne, qui l'a achevé. Ces dernières années, ils avaient lutté ensemble pour tirer quelque profit de la ferme, après il a semblé abandonner la partie », avait-elle soupiré. Elle s'était tue un instant, avant de poursuivre : « Je lui ai conseillé de prendre contact avec toi mais il a refusé. Dieu nous envoie de dures épreuves. La sécheresse, l'été dernier, et les inondations cette année... Je pense qu'il avait honte de ses problèmes d'argent. Puis la fièvre s'est emparée de lui. »
J'avais hoché la tête. Ç'avait été un choc d'apprendre que la ferme où j'avais grandi, et qui désormais m'appartenait, croulait sous les dettes. Mon père allait sur ses soixante-dix ans, et William, son régisseur, n'était guère plus jeune. Ils ne s'étaient pas occupés de leur terre comme ils auraient dû le faire et les dernières moissons avaient été médiocres. Pour s'en sortir, mon père avait hypothéqué son bien auprès d'un riche propriétaire terrien de Lichfield. Je l'avais appris seulement lorsque celui-ci m'avait écrit, tout de suite après l'enterrement, ses doutes pour m'indiquer que la valeur de la terre ne pourrait probablement pas couvrir la dette. Il cherchait à accroître son domaine pour faire paître ses moutons, et accorder des hypothèques aux paysans âgés à un intérêt exorbitant constituait un moyen de mener à bien son projet, à l'instar de maints hobereaux de l'époque.
« Sir Henry est une vraie sangsue, avais-je dit à Bess avec amertume.
– Que comptes-tu faire ? Laisser la propriété tomber en faillite ?
– Non. Je refuse que le nom de ma famille soit déshonoré. Je vais payer sa dette. » Dieu sait que je lui dois ça ! avais-je pensé.
« C'est bien ! »
Un bref renâclement poussé derrière mon dos me ramena au présent. Barak avait tiré sur les rênes de Sukey. Je fis halte moi aussi et pivotai avec difficulté sur ma selle. Dans la lumière du jour naissant, la silhouette de mon compagnon et celle des arbres étaient plus nettes désormais. Barak pointait le doigt devant lui.
« Regardez par là ! »
En face de nous la forêt devenait moins dense. Au loin, bas dans le ciel, brillait un point lumineux rouge.
« Nous y sommes ! m'écriai-je d'un ton triomphant. Voilà la lampe qu'on nous a dit de guetter. Elle est placée au sommet du clocher d'une église afin de guider les voyageurs. On est dans la forêt de Galtres, comme je l'avais deviné ! »
Nous sortîmes du bois. Comme le ciel s'éclaircissait, un vent glacial se leva du fleuve. Nous resserrâmes nos manteaux avant de reprendre notre route vers York.

La grand-route menant à la ville fourmillait déjà de chevaux de bât, de chariots remplis de vivres de toutes sortes, ainsi que d'énormes charrettes de forestiers, chargées de troncs d'arbres entiers qui dépassaient dangereusement de l'arrière. Devant nous se dressaient les hauts remparts de la ville, noircis par la fumée des siècles passés, tandis qu'au-delà se profilaient les innombrables églises, toutes dominées par l'envolée des deux tours jumelles de York Minster, la cathédrale.
« C'est aussi animé que Cheapside un jour de marché, fis-je observer.
– Tout cela pour le grand cortège royal. »
Nous poursuivîmes lentement notre chemin à travers une foule si compacte qu'on avait du mal à avancer au pas. Je jetais des coups d'œil de biais à mon compagnon. Cela faisait déjà plus d'un an que j'avais engagé Jack Barak comme assistant dans mon cabinet d'avocat, après l'exécution de son ancien maître. Le recrutement de ce gamin des rues de Londres, qui s'était retrouvé agent de Thomas Cromwell chargé de missions suspectes, paraissait incongru, bien qu'il fût intelligent et eût le privilège d'être instruit. Je n'avais d'ailleurs pas regretté mon choix. Il s'était bien adapté au travail et avait mis tout son zèle à apprendre le droit. Personne ne savait mieux que lui dénicher des éléments obscurs et forcer les témoins à s'en tenir aux faits pendant leur déposition sous serment, et sa vision cynique du système constituait un utile contrepoids à mon enthousiasme personnel.
Ces derniers mois, cependant, Barak m'était souvent apparu d'humeur morose. Il lui arrivait même de redevenir aussi insolent qu'aux premiers temps de notre association. Je craignais qu'il ne s'ennuyât et me dis que le voyage à York l'aiderait peut-être à reprendre le dessus. Or, en bon Londonien qui nourrit force préjugés à l'égard du Nord et de ses habitants, il avait grogné et pesté durant presque tout le trajet. À présent, il jetait un regard suspicieux à l'entour, se méfiant de tout.
Des maisons commencèrent à apparaître de loin en loin, puis on aperçut sur notre droite un antique et haut mur crénelé. Coiffés de casques de fer et vêtus de la tunique blanche ornée d'une croix rouge des archers royaux, des soldats patrouillaient sur le chemin de ronde en haut du rempart. Au lieu d'arcs et de flèches ils portaient des épées et d'effrayantes piques, voire de longs fusils à mèche. Un tintamarre de martèlements et de chocs métalliques nous parvenait depuis l'autre côté de la muraille.
« Il s'agit sans doute de l'ancienne abbaye Sainte-Marie, où l'on doit loger, expliquai-je. J'ai l'impression qu'on y fait beaucoup de travaux en vue de la venue du roi.
– On y va tout de suite pour déposer nos bagages ?
– Non. Il nous faut d'abord rencontrer le confrère Wrenne et ensuite nous rendre au château.
– Pour voir le prisonnier ? murmura Barak.
– Oui. »
Il leva les yeux vers les remparts. « Sainte-Marie est bien gardée.
– Après tout ce qui s'est passé ici, le roi ne sait guère sur quel accueil compter. »
J'avais parlé à voix basse, pourtant l'homme qui marchait devant nous à côté d'un cheval de bât chargé de céréales se retourna et nous lança un regard noir. Quand Barak haussa les sourcils, l'homme détourna les yeux. S'agissait-il de l'un des informateurs du Conseil du Nord ? Ils devaient faire des heures supplémentaires à York en ce moment.
« Peut-être devriez-vous enfiler votre robe d'homme de loi », suggéra Barak en indiquant d'un signe de tête la scène qui se déroulait devant nous. Les chariots et les portefaix pénétraient dans l'abbaye par une vaste porte qui s'ouvrait dans le rempart. Juste après la porte, le mur de l'abbaye rencontrait celui de la ville à angle droit, tout près d'un corps de garde orné du blason de la ville d'York : cinq lions blancs sur fond rouge. D'autres gardes étaient postés là, armés de piques, portant un plastron et coiffés de casques d'acier. Au-delà du mur, les tours de la cathédrale, énormes, se découpaient sur le ciel gris.
« Je n'ai pas envie de l'extirper de mon barda, je suis trop fatigué. J'ai là le pouvoir du grand chambellan », ajoutai-je en tapotant ma poche. Je possédais également le sceau de l'archevêque Cranmer, mais j'avais ordre de ne le montrer qu'à une seule personne. Soudain parut devant moi un spectacle qu'on m'avait annoncé mais qui me fit frissonner néanmoins : quatre têtes plantées sur de hautes perches, bouillies, toutes noires et à moitié dévorées par les corbeaux. Je savais que douze des conspirateurs rebelles avaient été exécutés à York ; leur tête et leurs membres avaient ensuite été dépecés puis placés au-dessus de toutes les portes de la ville, afin de mettre en garde le reste de la population.
Nous fîmes halte derrière une petite file d'attente ; la tête de nos chevaux dodelinait de fatigue. Les gardes avaient arrêté un homme pauvrement vêtu et le questionnaient sans ménagement sur le but de sa venue en ville.
« J'aimerais bien qu'il se dépêche, chuchota Barak. Je meurs de faim.
– Je sais. Bon, allons-y ! C'est à nous maintenant. »
L'un des gardes saisit les rênes de Genesis tandis qu'un autre s'enquérait de la raison de ma visite à York. Il avait un accent du Sud et un visage dur et ridé. Je lui montrai ma lettre de mission officielle.
« Avocat du roi ? demanda-t-il.
– En effet. Et voici mon assistant. Il doit m'aider à préparer les requêtes présentées à Sa Majesté.
– Ici on a besoin d'une main de fer », répliqua-t-il. Il enroula le feuillet et nous fit signe d'avancer. Comme nous passions à cheval sous la barbacane, j'eus un haut-le-cœur à la vue d'un grand morceau de chair couvert de mouches bourdonnantes, cloué à la porte.
« De la viande de rebelle, déclara Barak avec une grimace.
– Oui. » Je secouai la tête en pensant à l'engrenage du destin. Sans la conspiration du printemps je ne serais pas là et le roi n'accomplirait pas son « voyage dans le Nord », le plus imposant et le plus majestueux de tous ceux jamais effectués en Angleterre. Nous franchîmes la porte, le martèlement des sabots de nos chevaux sur les pavés résonnait bruyamment sous l'arcade. Puis nous pénétrâmes dans la ville."

Mon avis : Encore une aventure du fameux avocat bossu de l'Angleterre d'Henri VIII. Toujours aussi bien écrite par C. J. Sansom, l'histoire nous entraine une fois encore dans l'Angleterre médiévale. Au coeur des complots de la Cour d'Angleterre.

Avec "Sang Royal", préparez vous à vivre une grande histoire car à chaque chapitre son lot de surprises, de morts, de combats et de secrets.

Comment peut survivre un simple avocat bossu en disgrâce plongé au beau milieu des intrigues de cour et des complots de toute sorte? Le héros comme le lecteur se posent la question.

Un très bon roman, très divertissant. Et toujours très bien documenté. Plongez donc un peu dans l'Angleterre du Seizième siècle.

Auteur : Christopher J. Sansom
Editeur : Belfond
Nombre de pages : 500
Prix : 22 euros

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